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Verdict : 2/5Critique Sacré Cœur en deux mots : phénomène religieux calibré, ferveur à gogo, mais réalisme alternatif et débat intellectuel aux abonnés absents. Si tu cherches le grand frisson de vérité, tu feras chou blanc, si tu veux une messe glam’, tu es servi.

  • Titre : Sacré Cœur
  • Réalisateur : Sabrina et Steven J. Gunnell
  • Durée : 1 h 32
  • Avec : Clémentine Beauvais (dite « descendante de Ste Marguerite-Marie »), l’abbé Olivier Barnay et une cohorte de fidèles fervents
  • Genre : Documentaire / docu-fiction religieux

Le nouveau long-métrage de Sabrina et Steven J. Gunnell est un docu-fiction offensif, disponible en salle depuis le 1er octobre 2025. Il se présente comme une fresque historique autour de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, d’une part on suit la moniale du XVIIe siècle, sainte Marguerite-Marie Alacoque, qui aurait vu le cœur brûlant du Christ, et d’autre part on recueille aujourd’hui des témoignages de croyants transformés par cette même foi.

La réalisation alterne donc entre reconstitutions grandiloquentes (Passion du Christ, tranchées de 14-18, etc. confère le peintre George Desvallières au front) et interviews d’« âmes inspirées » en quête de sens. Bref, le film serre tous les cœurs catholiques dans un mix émotionnel immaculé.

 

Docu-fiction très engagé, *Sacré Cœur* offre un montage soigné et des images spectaculaires – de la France du XVIIe à la Première Guerre mondiale – mais ne fait que ressasser une vision unilatérale de la foi, sans épaisseur critique.

 

Scénario et thématiques

Le récit se veut ambitieux, parcourir 350 ans de « mystère » du Sacré-Cœur. En pratique, le film esquisse brièvement l’enfance et les visions de Marguerite-Marie (crucifix, Pentecôte, etc.), avant de multiplier les témoignages contemporains dans un cadre quasi épisodique.

Aucun fil rouge narratif vraiment inédit ne se dégage, si ce n’est l’idée constante du « cœur incendié » comme moteur des destins. Côté thèmes, on ne fait pas dans la dentelle, le scénario insiste sur l’Amour inconditionnel du Christ (le film a littéralement « relevé le défi haut la main » selon la presse catho) et sur les conversions miraculeuses.

Toute nuance sociétale ou historique est bannie, on ne parle ni de science, ni de controverse, ni d’athéisme. Le contexte mondial (guerre, défis spirituels) est cité comme simple toile de fond.

L’enquête proposée est présentée comme un questionnement existentiel (« Que fait ce Sacré-Cœur aujourd’hui dans nos vies ? »), mais elle ne répond à ces questions que sous l’angle de la dévotion traditionnelle. Résultat : on sent dès le début où le film veut en venir, ce qui donne un petit air de « déjà-vu » au message malgré l’ampleur de l’image.

 

👍 Points forts

  • Mise en scène soignée : grandes reconstitutions (Marguerite-Marie, Passion, tranchées de 1917) et photographie léchée.
  • ❤️ Témoignages émouvants : grande variété d’intervenants (jeune fille, ancien délinquant, religieux, etc.) unis par la foi.
  • 🌍 Sujet universel : la foi traitée comme une expérience humaine, avec des parcours divers (descendante de la voyante, aumônier du Sacré-Cœur…).

👎 Points faibles

  • 😇 Idéologie unilatérale : docu ouvertement confessionnel, aucune perspective laïque ni critique (c’est du « salut du monde » pépère ).
  • 😴 Rythme laborieux : transition lente entre scènes, longueur et répétition dans les témoignages, manque de tension dramatique.
  • 📢 Ton prêchi-prêcha : le film prône l’adoration du cœur de Jésus sans relâche; on n’y réfléchit pas, on y croit (ou on décroche).

 

Mise en scène et réalisation

Sur le plan technique, Sacré Cœur frappe d’abord l’œil. Les Gunnell ne lésinent pas sur l’esthétique, la caméra suit fidèlement Marguerite-Marie (grandiose en prières à l’église romane) puis plonge dans les tranchées de la Grande Guerre pour illustrer la dévotion sous l’acier.

Les reconstitutions sont soignées (costumes, décors, jusqu’au moindre autocollant de calvaire) et on peut concéder qu’il y a un vrai savoir-faire visuel. Malheureusement, cette ambition est parfois gâchée par un cadrage trop sage et des fonds musicaux classiques, on n’est jamais surpris, seulement bercé.

Le récit n’est pas épaulé par une réelle dramaturgie – hormis quelques « avant/maintenant » linéaires, le montage suit l’ordre des interviews, un peu comme un diaporama catholique. Le son est clair, mais l’ambiance demeure très « salle paroisse ». Bref, ça fait très propre… et très convenu.

 

Idéologie et réceptions

Là où le film se veut universel, il finit par s’adresser presque exclusivement aux convaincus. La dimension idéologique chrétienne est plus qu’un arrière-plan, c’est le décor et la conclusion. Entre deux prières, *Sacré Cœur* esquive soigneusement tout élément discordant (pas un mot sur les critiques internes à l’Église ou sur la laïcité).

Cette pudeur se ressent autant que l’absence d’un vrai débat : on te montre la lumière d’un amour omniprésent et tu l’absorbes bêtement. En témoignent les réactions attendues des spectateurs cathos (Anousia en Pologne, un ancien délinquant en France…) ou la satisfaction d’une descendante de la voyante qui salue un film « fidèle » au message essentiel.

Le public visé est clairement celui qui veut sortir de la salle le « cœur brûlant » comme promis dans la promo, pas celui qui voudrait en débattre.

 

🗣️ Pierre Marcellesi (Boulevard Voltaire) : “Un film vivifiant qui leur permet d’aborder la foi en Dieu et la sérénité que confère celle-ci” ⭐⭐⭐⭐⭐

🗣️ Adélaïde Nicvert (SensCritique) : “Profond, touchant… *Sacré Cœur* fait du bien à l’âme et au palpitant” ⭐⭐⭐⭐

 

Chose amusante, ce Sacré Cœur a aussi un parcours événementiel. L’interdiction temporaire d’affiches dans le métro parisien ou la déprogrammation municipale à Marseille pour laïcité ont créé un buzz inattendu.

Le conflit s’est finalement réglé au tribunal, et le film a vu son public grossir contre toute attente. On peut légitimement objecter que ces polémiques, quoique hors-sujet pour un critique cinéphile, ont boosté un peu la fréquentation (dépassant 250 000 entrées).

Mais rien de tout cela ne change le contenu de la bobine, c’est un film-guide pour croyants, pas un débat athée/sceptique. Par conséquent, la note globale reflète cette clairvoyance contradictoire.

 

Fidèle à son étiquette « feel-good » catho, Sacré Cœur évite toute véritable controverse, ni guerre culturelle, ni crise intérieure, ni doute philosophique n’y transparaît. Du coup, on reste devant un prêche passionnant pour un public acquis, pas face à un film qui questionne le monde.

 

Critère Note Commentaire
Scénario 2/5 Récit convenu, linéaire et largement prévisible. ⭐⭐
Mise en scène 3/5 Images soignées (reconstitutions historiques), mais très académique. ⭐⭐⭐
Interprétation 2/5 Témoignages sincères mais narration monocorde et plate. ⭐⭐
Message 1/5 Enseignement explicitement religieux, sans nuance critique.

 

Au final, Sacré Cœur se regarde comme on lit un bulletin paroissial illustré, on admire la production et on acquiesce pieusement, mais rien ne vous convaincra par sa puissance narrative.

Tu l’auras compris, le film réussit son pari d’« évangéliser » le spectateur par l’émotion et l’esthétique, mais déçoit sur le plan cinématographique. Heureusement, la sincérité des participants et quelques belles images sauvent les meubles d’un produit trop formaté. Pour te faire ta religion (sans mauvais jeu de mots), il faut y aller à jeun d’esprit critique.

CestQuelFilm https://cestquelfilm.fr/actualite

🎥 Cinévore obsessionnel | 🖊️ Critiqueur en chef de l’ennui | 🎭 Sarcasme en Dolby Atmos

« Si un film me plaît, c’est un chef-d'œuvre. Si je le déteste, c’est une purge cosmique. Y a pas d’entre-deux. »

📌 Objectif : Dézinguer les clichés, sacrer les pépites et survivre aux navets.

📢 Cinéastes, tremblez. Spectateurs, suivez-moi. 🚀

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